Son, textes, images, témoignages 2012

 

ANNÉE 2012-2013


/// AFFICHES DE FILMS

Artiste : Yoan de Roeck, graphiste

Collège Joliot Curie, Stains

réalisation d'une planche-journal

/// LE QUOTIDIEN EN FICTION ET DOCUMENTAIRE

Artiste : Camille Maury, réalisatrice et monteuse

Collège Didier Daurat, Le Bourget

extrait du journal de bord de Camille Maury

DANS LA CLASSE DE 4è2 de FABIENNE GOMOT (PROFESSEUR DE FRANçAIS)

Lundi 19 novembre 2012 Première séance. Introduction : Petite inquiétude à l’idée de me retrouver devant la classe. Je ne suis jamais retournée au collège depuis que je l’ai quitté. Le dimanche soir je fais part à Fabienne Gomot (la professeur de français avec laquelle le parcours sera mené) de mes craintes. Celle-ci me donne un piste de travail : les élèves n’ont jamais vu d’appareil photo argentique et sont toujours ravis lorsqu’on leur apporte quelque chose. Quelque chose qui leur soit spécialement destiné. J’arrive donc au collège avec une valise à roulettes, pleine à craquer avec à l’intérieur : un appareil photographique argentique, de la pellicule 35mm, une presse 35mm, une caméra super huit, une visionneuse super huit, des bobines super huit, des bobines 16mm, un crayon gras blanc, un gant blanc et un morceau de tissus en velours noir. Apprentissage du montage : qu’est‐ce que le montage ? Vous le savez ? (logiciels de montage sur les ordi, mettre dans l’ordre, organiser, assembler). Quelles sont les différentes étapes de fabrication d’un film ? Scénario, tournage (équipe, différents métiers), …montage, mixage, étalonnage, génériques, copie finale. A cette époque le montage se faisait encore sur pellicule, c’est comme cela que je l’ai appris, même si le virtuel‐numérique faisait déjà son apparition. Connaissez‐vous la pellicule ? Avez‐vous vu un appareil photo ? Appareil photo et pellicule, puis bobine 35mm, le gant blanc, le crayon blanc, la presse, marquer le plan et le couper physiquement devant eux… Autre format, le 16mm, le super huit mm. 
 
Mardi 20 novembre 2012 : travail préparatoire avec Mélanie Braux, monteuse. Travail avec Mélanie autour des rushes de mon prochain film intitulé Scènes de ménage. Ce film abordera la question du ménage, non pas du point de vue professionnel comme dans mes films Femme toutes mains et Le regard d’une femme de chambre sur son travail, mais plutôt du point de vue de l’intimité d’un couple. Il sera question de la répartition des tâches ménagères dans les couples où les tâches sont partagées. J’ai tourné une séquence de ce prochain film avec un couple d’amis qui partagent les tâches quotidiennes. Comment s’organisent‐ils, comment ont‐ils décidé de faire de la sorte ? Dans le cadre du parcours, il s’agi de montrer aux élèves des rushes d’un film en cours de réalisation. Je ne peux cependant pas les montrer dans leur intégralité (le temps de visionnage excédant le temps de l’intervention de Mélanie !). Alors, il nous faudra faire une sélection (une sorte de premier montage !). Mais quels rushes choisir, pour dire quoi ? Donner à voir les reprises, la mise en scène, les choses que l’on refait faire, et/ou dire, dans le documentaire il y a de la mise en scène. Le clap en début de prise ça correspond à quoi ? Cet objet appartient à la fiction, savez‐vous à quoi il sert ? En documentaire à quoi sert‐il aussi ? Est‐il fréquent dans ce type de budget et de projet ? La présence du découpage (comme en fiction ou du fait de faire du montage ? ), les différentes valeurs de plans, place de la caméra (axes), imaginer déjà au tournage un ordre, des raccords (sortie/entrée de champ), des liens. En présentant les rushes, j’ai déjà fait une sélection, et déjà modifié l’ordre des différents plans. Malgré cette sélection, on peut éprouver de la longueur, dans les propos (comment faire dire les choses que l’on a déjà entendu ou aboutir à des réponses / interrogations, les personnes ne répondent pas forcément de manière directe, et filmer c’est aussi pour donner à éprouver le plaisir ou l’intérêt que l’on a eu à les écouter, essayer de le transmettre à d’autres). Dans les gestes, la répétition nécessaire pour trouver le bon axe, la bonne valeur de plan, comment se positionner dans ce petit espace ? La question du cadrage : comment confier le cadre à quelqu’un d’autre, un chef opérateur, comment s’accorder à déterminer une vision commune ? En effet, le chef opérateur filme depuis en haut et en bas, c’est‐à‐dire qu’il modifie l’emplacement de sa caméra, pour filmer l’homme entrain de passer l’aspirateur. Or vu l’exiguité du lieu, la personne se serait replacé naturellement dans le cadre. Ce que je cherche à montrer à travers leur manière de parler du ménage c’est leur relation. C’est aussi à travers leurs gestes, leur personnalité (angoisse, colère, rythme rapide Hugues) leur rapport au lieu, leur manière de bouger, de regarder des détails…
 
Jeudi 29 novembre 2012 : deuxième séance, avec Mélanie Braux, monteuse de films. J’arrive accompagnée de Mélanie Braux. Lors de notre séance préparatoire, Mélanie a visionné les rushes de la séquence, nous avons fait ensemble le choix de la sélection des rushes (c’est déjà un montage) que nous allons montrer à la classe. Il y a un quart d’heure d’interview et vingt minutes de « ménage ». Nous passons la première heure à visionner les rushes. Réactions des adolescents : la maison est sale, comment peuvent‐ils vivre dans une telle crasse ? Tout est désordonné. Le couple ne semble pas s’entendre, ils s’insultent presque. Nous tentons de leur faire observer peut‐être n’a‐t‐on pas la même conception du sale et du propre, nous essayons de leur faire observer que Claire et Hugues viennent de famille très différentes. Comment à partir de ces différences d’éducation composer sa vie quotidienne de couple ? Et dans leur famille, à eux les élèves, comment ça se passe ? Est-ce que les papas participent au ménage ? Ce qui est sûr c’est que c’est propre chez eux, quelque soit la répartition. Océane, parle de la maniaquerie de ses parents, son père fait le ménage à un étage, sa mère à l’autre, ils ne se croisent pas car ils ne procèdent pas de la même manière, et sont tous les deux extrêmement maniaques. Eux non plus finalement ne sont pas « dans les pattes l’un de l’autre » (termes de Hugues), ça n’est pas de l’insulte ! Par contre, ils manifestent une grande finesse dans la lecture de l’image. Ils perçoivent bien l’exiguïté du lieu, la pratique artistique de Claire, l’agencement de l’appartement, la géographie de l’appartement. Un fort rejet (devant les copains) s’exprime. En tout cas, ça fait les réagir, même par la négative, on sent que ça les dérange. Mélanie essaye de développer des notions de mise en scène, de cadrage, de parti pris, une manière de regarder ces rushes. Ils éprouvent le temps, cette matière qui se donne de manière ennuyeuse et peu flatteuse « ils bégaient, ils ne savent pas s’exprimer, ils ne s’aiment pas…. ». Avec la séquence d’action ménagère, il y a le clap de fortune qui apparaît, les différentes prises (ça n’est pas parce que c’est du documentaire qu’il n’y a pas de mise en scène), les choix possibles (différentes valeurs de plans). Au cours de la deuxième partie de l’intervention on leur propose d’être les monteurs de la séquence. Mélanie est aux manettes, c’est à eux de choisir la prise montée sur les trois prises tournées (petite susceptibilité lorsque la sienne, celle de Rita, n’est pas retenue), leur expliquer, ça n’est qu’un choix provisoire, on commence comme ça, mais il n’y a pas de bonne réponse, de bonne solution dès maintenant, c’est la mise en relation et le rythme qui nous ferons revenir sur les choix. Ces premiers choix sont une étape du travail, cette étape et ces premiers choix ne sont pas définitifs, les choix sont réversibles, nous allons le voir. Six plans sont choisis et mis bout à bout. Se pose alors les questions du rythme, des raccords, de l’inversion, de l’ellipse, de la narration ! Les élèves s’amusent et proposent des solutions, des tentatives. Ils ont l’écran de Mélanie projeté au mur et suivent ses manipulations du logiciel. La sonnerie retentit vite. Nous sommes bien fatiguées, et déboussolées, mais à leur réaction et visage, on sent que ça a été intéressant pour eux. Certains le disent très franchement « c’était mieux que la dernière fois ». Il y a deux groupes, les grandes gueules un peu agitées, et les discrets qui suivent et parviennent à intervenir de manière pertinente, qui saisissent l’opportunité qui leur est offerte.
 
Jeudi 6 décembre 2012 : troisième séance, avec Emmanuelle Raynaut,plasticienne, performeuse.
1 - Projection de trois extraits de films avec petite introduction, partis pris radicaux pour filmer les personnages, leurs corps dans le cadre, les corps dans l’espace. Les extraits de film :  Jeanne Dielman, de Chantal Akerman (1973), une femme seule dans sa cuisine attend, se lève et goute du café au lait. L’extrait dure cinq minutes, il est composé de deux plans, il n’y a pas de dialogue. Présence des objets filmés comme des corps, comme des personnages, relation du corps à un objet ? Des rires, des commentaires, « Vous avez laissé sur pause, elle a un problème, qu’est-ce qu’elle fait ? C’est pas bien de jeter la nourriture… ». Un condamné à mort s’est échappé, de Robert Bresson (1946), filmé basé sur un récit réel ; deux hommes condamnés s’échappent d’une prison pendant la deuxième guerre mondiale. L’extrait dure dix minutes, les cadres morcellent les corps, décrivant la précision et la minutie de leurs gestes dont dépend leur survie. Ils sont deux dans cet espace dont le spectateur n’a qu’une vision réduite. Corps entier et corps fragmenté. L’attention est très soutenue, le son de la projection est faible, mais les adolescents sont captivés, c’est perceptible. Le Havre, de Aki Kaurismaki (2011) : un homme fume une cigarette sur un quai, revient chez lui et découvre un enfant endormi à côté de son chien dans une cabane en bois. On retrouve l’enfant et l’adulte. L’enfant est attablé et fini son repas, l’adulte est debout et lui demande son nom et sa destination « Quo vadis Idrissa ?». Un corps un extérieur, une relation entre deux corps, un corps debout un corps couché, un corps assis. Attention soutenue, enfin un plan large et une succession de plans qui nous conduisent vers un dialogue avec une femme, et la découverte d’un adolescent (comme eux) qui dort près d’un chien. L’adulte l’interroge et le nourrit. La discussion collective : A l’issue de la projection, nous engageons une discussion à propos des trois extraits. Description et comparaison des différents personnages, lieux et valeurs de plans (cadres). [...]
2 - Proposition de se ressouvenir d’un cadrage, d’une image frappante en fermant les yeux. Une feuille A4 qui figure le cadre, le dessin ne doit pas être beau, bien fait, il doit être la trace de l’image d’un des films. Comment les films se sont déposés dans notre mémoire visuelle ? C’est un travail individuel. Après il faudra le regarder ensemble et voir comment chacun figure son interprétation, son souvenir, ses déformations. Emmanuelle demande à certains de venir jouer avec elle un déplacement dans l’espace, un objet qui circule d’une main à l’autre. Puis elle fait jouer deux élèves ensemble. Une fille assise à une table, un garçon s’avance, elle sort de sa poche du vernis à ongle, elle le pose sur la table, il prend le vernis et le met dans sa poche à lui. Le rapport à l’objet plus la relation. Elle demande à deux garçons de s’accroupir l’un derrière l’autre celui de derrière se rapproche comme dans le film de Bresson. Cela provoque rires et moquerie, mais il faut passer outre. Alors chacun revient à sa table et commence à dessiner. Emmanuelle reprécise, ça n’est pas pour faire beau, c’est juste indiquer une occupation de l’espace, de l’image (du cadre), des directions de regards… Beaucoup figurent la femme seule dans le cadre de face et de profil, un autre la descente de la corde, enfin l’enfant allongé dans la niche à côté du chien, et l’adulte et l’enfant dans le même cadre. Ils s’arrêtent à un dessin, puis nous passons dans les rangs, discutons du choix, Nelson a choisi Dielman. Il n’a jamais vu quelqu’un assis immobile comme ça, et lui ne reste pas non plus immobile comme ça. [...]
3 - Constitution de groupes avec Fabienne Gomot, l’enseignante, et définitions des rôles (mise en scène, cadrage, scripte, comédiens). Consignes de tournage : plan fixe, pas de zoom, pas de dialogue. [...] Exercice : filmer en un plan large une action simple, à partir des dessins réalisés, du souvenir de l’extrait. Soit saisir un objet, soit effectuer un déplacement, soit passer un objet à quelqu’un. Un choix dans la manière de filmer, soit tourner un plan large de trente secondes d’une action, n’importe laquelle), soit tourner trois plans serrés (découper, fragmenter) de dix secondes d’une action (n’importe laquelle). Prendre le temps de s’installer (chercher son cadre, répéter avec les comédiens, noter les différentes prises et les variations), écouter, comprendre les consignes et se les approprier. Nous partons avec Emmanuelle dans une salle. Fabienne reste avec les deux autres groupes de six pour préparer, en les dessinant, les plans qu’ils souhaitent tourner. Avec chacun, constitution d’une équipe de tournage, image, réal, scripte, comédiens. Pour ce groupe seule la chef op (Nadine) et le scripte (Stéphane) auront suivi, pas mal de discipline à faire. Un plan large avec une action, regarder l’objet se lever et le poser ailleurs. Autre prise de vue, découpée, en plusieurs plans. Successions de trois plans serrés. L’objet pris et qui sort du champ, le visage qui sort du champ, le tableau et le dos qui entre dans le champ. On dérange l’équipe d’Emmanuelle à force de nous reculer pour le plan large, prochaine fois se mettre dans deux espaces différents. Deuxième groupe, Fabienne les accompagne, le duo Sermigan, et Lavanya fonctionne bien, le duo de comédiens (Dimitri et Fayçal) aussi, la scripte suit bien aussi. Le groupe a choisi le plan large où une action se déroule. Un garçon est assis à une table, un deuxième entre dans le champ, regard entre eux, le premier sort un pistolet sur la table, pause, le deuxième le met dans sa poche, pause, regard au loin, et repart. Dimitri regarde souvent la caméra à la fin. Ne pas démarrer l’action tout de suite. Laisser des temps, ne pas regarder la caméra, ne pas couper tout de suite, rester concentrer malgré la présence des autres et du groupe d’à côté. [...]
 

/// SONS ET IMAGES

Collège Victor Hugo, Aulnay-sous-Bois

Journal d'immersion (21 janvier 2013) au sein des laboratoires de l'Etna, à Paris

Photogrammes réalisées dans la journée :
 

ANNÉE 2012-2013


/// AFFICHES DE FILMS

Artiste : Yoan de Roeck, graphiste

Collège Joliot Curie, Stains

réalisation d'une planche-journal

/// LE QUOTIDIEN EN FICTION ET DOCUMENTAIRE

Artiste : Camille Maury, réalisatrice et monteuse

Collège Didier Daurat, Le Bourget

extrait du journal de bord de Camille Maury

DANS LA CLASSE DE 4è2 de FABIENNE GOMOT (PROFESSEUR DE FRANçAIS)

Lundi 19 novembre 2012 Première séance. Introduction : Petite inquiétude à l’idée de me retrouver devant la classe. Je ne suis jamais retournée au collège depuis que je l’ai quitté. Le dimanche soir je fais part à Fabienne Gomot (la professeur de français avec laquelle le parcours sera mené) de mes craintes. Celle-ci me donne un piste de travail : les élèves n’ont jamais vu d’appareil photo argentique et sont toujours ravis lorsqu’on leur apporte quelque chose. Quelque chose qui leur soit spécialement destiné. J’arrive donc au collège avec une valise à roulettes, pleine à craquer avec à l’intérieur : un appareil photographique argentique, de la pellicule 35mm, une presse 35mm, une caméra super huit, une visionneuse super huit, des bobines super huit, des bobines 16mm, un crayon gras blanc, un gant blanc et un morceau de tissus en velours noir. Apprentissage du montage : qu’est‐ce que le montage ? Vous le savez ? (logiciels de montage sur les ordi, mettre dans l’ordre, organiser, assembler). Quelles sont les différentes étapes de fabrication d’un film ? Scénario, tournage (équipe, différents métiers), …montage, mixage, étalonnage, génériques, copie finale. A cette époque le montage se faisait encore sur pellicule, c’est comme cela que je l’ai appris, même si le virtuel‐numérique faisait déjà son apparition. Connaissez‐vous la pellicule ? Avez‐vous vu un appareil photo ? Appareil photo et pellicule, puis bobine 35mm, le gant blanc, le crayon blanc, la presse, marquer le plan et le couper physiquement devant eux… Autre format, le 16mm, le super huit mm. 
 
Mardi 20 novembre 2012 : travail préparatoire avec Mélanie Braux, monteuse. Travail avec Mélanie autour des rushes de mon prochain film intitulé Scènes de ménage. Ce film abordera la question du ménage, non pas du point de vue professionnel comme dans mes films Femme toutes mains et Le regard d’une femme de chambre sur son travail, mais plutôt du point de vue de l’intimité d’un couple. Il sera question de la répartition des tâches ménagères dans les couples où les tâches sont partagées. J’ai tourné une séquence de ce prochain film avec un couple d’amis qui partagent les tâches quotidiennes. Comment s’organisent‐ils, comment ont‐ils décidé de faire de la sorte ? Dans le cadre du parcours, il s’agi de montrer aux élèves des rushes d’un film en cours de réalisation. Je ne peux cependant pas les montrer dans leur intégralité (le temps de visionnage excédant le temps de l’intervention de Mélanie !). Alors, il nous faudra faire une sélection (une sorte de premier montage !). Mais quels rushes choisir, pour dire quoi ? Donner à voir les reprises, la mise en scène, les choses que l’on refait faire, et/ou dire, dans le documentaire il y a de la mise en scène. Le clap en début de prise ça correspond à quoi ? Cet objet appartient à la fiction, savez‐vous à quoi il sert ? En documentaire à quoi sert‐il aussi ? Est‐il fréquent dans ce type de budget et de projet ? La présence du découpage (comme en fiction ou du fait de faire du montage ? ), les différentes valeurs de plans, place de la caméra (axes), imaginer déjà au tournage un ordre, des raccords (sortie/entrée de champ), des liens. En présentant les rushes, j’ai déjà fait une sélection, et déjà modifié l’ordre des différents plans. Malgré cette sélection, on peut éprouver de la longueur, dans les propos (comment faire dire les choses que l’on a déjà entendu ou aboutir à des réponses / interrogations, les personnes ne répondent pas forcément de manière directe, et filmer c’est aussi pour donner à éprouver le plaisir ou l’intérêt que l’on a eu à les écouter, essayer de le transmettre à d’autres). Dans les gestes, la répétition nécessaire pour trouver le bon axe, la bonne valeur de plan, comment se positionner dans ce petit espace ? La question du cadrage : comment confier le cadre à quelqu’un d’autre, un chef opérateur, comment s’accorder à déterminer une vision commune ? En effet, le chef opérateur filme depuis en haut et en bas, c’est‐à‐dire qu’il modifie l’emplacement de sa caméra, pour filmer l’homme entrain de passer l’aspirateur. Or vu l’exiguité du lieu, la personne se serait replacé naturellement dans le cadre. Ce que je cherche à montrer à travers leur manière de parler du ménage c’est leur relation. C’est aussi à travers leurs gestes, leur personnalité (angoisse, colère, rythme rapide Hugues) leur rapport au lieu, leur manière de bouger, de regarder des détails…
 
Jeudi 29 novembre 2012 : deuxième séance, avec Mélanie Braux, monteuse de films. J’arrive accompagnée de Mélanie Braux. Lors de notre séance préparatoire, Mélanie a visionné les rushes de la séquence, nous avons fait ensemble le choix de la sélection des rushes (c’est déjà un montage) que nous allons montrer à la classe. Il y a un quart d’heure d’interview et vingt minutes de « ménage ». Nous passons la première heure à visionner les rushes. Réactions des adolescents : la maison est sale, comment peuvent‐ils vivre dans une telle crasse ? Tout est désordonné. Le couple ne semble pas s’entendre, ils s’insultent presque. Nous tentons de leur faire observer peut‐être n’a‐t‐on pas la même conception du sale et du propre, nous essayons de leur faire observer que Claire et Hugues viennent de famille très différentes. Comment à partir de ces différences d’éducation composer sa vie quotidienne de couple ? Et dans leur famille, à eux les élèves, comment ça se passe ? Est-ce que les papas participent au ménage ? Ce qui est sûr c’est que c’est propre chez eux, quelque soit la répartition. Océane, parle de la maniaquerie de ses parents, son père fait le ménage à un étage, sa mère à l’autre, ils ne se croisent pas car ils ne procèdent pas de la même manière, et sont tous les deux extrêmement maniaques. Eux non plus finalement ne sont pas « dans les pattes l’un de l’autre » (termes de Hugues), ça n’est pas de l’insulte ! Par contre, ils manifestent une grande finesse dans la lecture de l’image. Ils perçoivent bien l’exiguïté du lieu, la pratique artistique de Claire, l’agencement de l’appartement, la géographie de l’appartement. Un fort rejet (devant les copains) s’exprime. En tout cas, ça fait les réagir, même par la négative, on sent que ça les dérange. Mélanie essaye de développer des notions de mise en scène, de cadrage, de parti pris, une manière de regarder ces rushes. Ils éprouvent le temps, cette matière qui se donne de manière ennuyeuse et peu flatteuse « ils bégaient, ils ne savent pas s’exprimer, ils ne s’aiment pas…. ». Avec la séquence d’action ménagère, il y a le clap de fortune qui apparaît, les différentes prises (ça n’est pas parce que c’est du documentaire qu’il n’y a pas de mise en scène), les choix possibles (différentes valeurs de plans). Au cours de la deuxième partie de l’intervention on leur propose d’être les monteurs de la séquence. Mélanie est aux manettes, c’est à eux de choisir la prise montée sur les trois prises tournées (petite susceptibilité lorsque la sienne, celle de Rita, n’est pas retenue), leur expliquer, ça n’est qu’un choix provisoire, on commence comme ça, mais il n’y a pas de bonne réponse, de bonne solution dès maintenant, c’est la mise en relation et le rythme qui nous ferons revenir sur les choix. Ces premiers choix sont une étape du travail, cette étape et ces premiers choix ne sont pas définitifs, les choix sont réversibles, nous allons le voir. Six plans sont choisis et mis bout à bout. Se pose alors les questions du rythme, des raccords, de l’inversion, de l’ellipse, de la narration ! Les élèves s’amusent et proposent des solutions, des tentatives. Ils ont l’écran de Mélanie projeté au mur et suivent ses manipulations du logiciel. La sonnerie retentit vite. Nous sommes bien fatiguées, et déboussolées, mais à leur réaction et visage, on sent que ça a été intéressant pour eux. Certains le disent très franchement « c’était mieux que la dernière fois ». Il y a deux groupes, les grandes gueules un peu agitées, et les discrets qui suivent et parviennent à intervenir de manière pertinente, qui saisissent l’opportunité qui leur est offerte.
 
Jeudi 6 décembre 2012 : troisième séance, avec Emmanuelle Raynaut,plasticienne, performeuse.
1 - Projection de trois extraits de films avec petite introduction, partis pris radicaux pour filmer les personnages, leurs corps dans le cadre, les corps dans l’espace. Les extraits de film :  Jeanne Dielman, de Chantal Akerman (1973), une femme seule dans sa cuisine attend, se lève et goute du café au lait. L’extrait dure cinq minutes, il est composé de deux plans, il n’y a pas de dialogue. Présence des objets filmés comme des corps, comme des personnages, relation du corps à un objet ? Des rires, des commentaires, « Vous avez laissé sur pause, elle a un problème, qu’est-ce qu’elle fait ? C’est pas bien de jeter la nourriture… ». Un condamné à mort s’est échappé, de Robert Bresson (1946), filmé basé sur un récit réel ; deux hommes condamnés s’échappent d’une prison pendant la deuxième guerre mondiale. L’extrait dure dix minutes, les cadres morcellent les corps, décrivant la précision et la minutie de leurs gestes dont dépend leur survie. Ils sont deux dans cet espace dont le spectateur n’a qu’une vision réduite. Corps entier et corps fragmenté. L’attention est très soutenue, le son de la projection est faible, mais les adolescents sont captivés, c’est perceptible. Le Havre, de Aki Kaurismaki (2011) : un homme fume une cigarette sur un quai, revient chez lui et découvre un enfant endormi à côté de son chien dans une cabane en bois. On retrouve l’enfant et l’adulte. L’enfant est attablé et fini son repas, l’adulte est debout et lui demande son nom et sa destination « Quo vadis Idrissa ?». Un corps un extérieur, une relation entre deux corps, un corps debout un corps couché, un corps assis. Attention soutenue, enfin un plan large et une succession de plans qui nous conduisent vers un dialogue avec une femme, et la découverte d’un adolescent (comme eux) qui dort près d’un chien. L’adulte l’interroge et le nourrit. La discussion collective : A l’issue de la projection, nous engageons une discussion à propos des trois extraits. Description et comparaison des différents personnages, lieux et valeurs de plans (cadres). [...]
2 - Proposition de se ressouvenir d’un cadrage, d’une image frappante en fermant les yeux. Une feuille A4 qui figure le cadre, le dessin ne doit pas être beau, bien fait, il doit être la trace de l’image d’un des films. Comment les films se sont déposés dans notre mémoire visuelle ? C’est un travail individuel. Après il faudra le regarder ensemble et voir comment chacun figure son interprétation, son souvenir, ses déformations. Emmanuelle demande à certains de venir jouer avec elle un déplacement dans l’espace, un objet qui circule d’une main à l’autre. Puis elle fait jouer deux élèves ensemble. Une fille assise à une table, un garçon s’avance, elle sort de sa poche du vernis à ongle, elle le pose sur la table, il prend le vernis et le met dans sa poche à lui. Le rapport à l’objet plus la relation. Elle demande à deux garçons de s’accroupir l’un derrière l’autre celui de derrière se rapproche comme dans le film de Bresson. Cela provoque rires et moquerie, mais il faut passer outre. Alors chacun revient à sa table et commence à dessiner. Emmanuelle reprécise, ça n’est pas pour faire beau, c’est juste indiquer une occupation de l’espace, de l’image (du cadre), des directions de regards… Beaucoup figurent la femme seule dans le cadre de face et de profil, un autre la descente de la corde, enfin l’enfant allongé dans la niche à côté du chien, et l’adulte et l’enfant dans le même cadre. Ils s’arrêtent à un dessin, puis nous passons dans les rangs, discutons du choix, Nelson a choisi Dielman. Il n’a jamais vu quelqu’un assis immobile comme ça, et lui ne reste pas non plus immobile comme ça. [...]
3 - Constitution de groupes avec Fabienne Gomot, l’enseignante, et définitions des rôles (mise en scène, cadrage, scripte, comédiens). Consignes de tournage : plan fixe, pas de zoom, pas de dialogue. [...] Exercice : filmer en un plan large une action simple, à partir des dessins réalisés, du souvenir de l’extrait. Soit saisir un objet, soit effectuer un déplacement, soit passer un objet à quelqu’un. Un choix dans la manière de filmer, soit tourner un plan large de trente secondes d’une action, n’importe laquelle), soit tourner trois plans serrés (découper, fragmenter) de dix secondes d’une action (n’importe laquelle). Prendre le temps de s’installer (chercher son cadre, répéter avec les comédiens, noter les différentes prises et les variations), écouter, comprendre les consignes et se les approprier. Nous partons avec Emmanuelle dans une salle. Fabienne reste avec les deux autres groupes de six pour préparer, en les dessinant, les plans qu’ils souhaitent tourner. Avec chacun, constitution d’une équipe de tournage, image, réal, scripte, comédiens. Pour ce groupe seule la chef op (Nadine) et le scripte (Stéphane) auront suivi, pas mal de discipline à faire. Un plan large avec une action, regarder l’objet se lever et le poser ailleurs. Autre prise de vue, découpée, en plusieurs plans. Successions de trois plans serrés. L’objet pris et qui sort du champ, le visage qui sort du champ, le tableau et le dos qui entre dans le champ. On dérange l’équipe d’Emmanuelle à force de nous reculer pour le plan large, prochaine fois se mettre dans deux espaces différents. Deuxième groupe, Fabienne les accompagne, le duo Sermigan, et Lavanya fonctionne bien, le duo de comédiens (Dimitri et Fayçal) aussi, la scripte suit bien aussi. Le groupe a choisi le plan large où une action se déroule. Un garçon est assis à une table, un deuxième entre dans le champ, regard entre eux, le premier sort un pistolet sur la table, pause, le deuxième le met dans sa poche, pause, regard au loin, et repart. Dimitri regarde souvent la caméra à la fin. Ne pas démarrer l’action tout de suite. Laisser des temps, ne pas regarder la caméra, ne pas couper tout de suite, rester concentrer malgré la présence des autres et du groupe d’à côté. [...]
 

/// SONS ET IMAGES

Collège Victor Hugo, Aulnay-sous-Bois

Journal d'immersion (21 janvier 2013) au sein des laboratoires de l'Etna, à Paris

Photogrammes réalisées dans la journée :