1E JOURNÉE - PRÉSENTATION

Le Minifilmclub, films d’avant-garde et expérimentaux pour les enfants de 4 à 6 ans 

par Bettina Marsden, directrice de l'école maternelle Kita Grüne à Francfort.


> Les objectifs
> La méthodologie
> L’importance de la participation culturelle
> Pourquoi des films d’avant-garde ?


Le Minifilmclub est un projet conceptualisé en 2015 au Deutsches Filmmuseum de Francfort par Christine Kopf, directrice de l'éducation cinématographique, et Daniela Dietrich, directrice de l'éducation muséale, aidées par des experts en éducation scolaire. Le Minifilmclub conçoit ses programmes pour les petits comme des expériences esthétiques et non narratives. Les participants se familiarisent avec les collections du Deutsches FIlmsmuseum et découvrent des films d’avant-garde en salle.

Le Minifilmclub est conçu comme une formation cinématographique pour les enfants en âge préscolaire de 4 à 6 ans. En Allemagne, l’école débute à 6 ans. À partir de 3 ans, les enfants peuvent s’inscrire au Kindergarten, le « jardin d’enfants », qui n’est pas à proprement parler une école mais un espace de découverte et de jeu, où l’on initie les enfants à la vie collective.

Le Minifilmclub accueille des groupes de 8 à 10 enfants. Les établissements peuvent s‘inscrire formellement depuis 2016. À ce jour, 37 groupes ont été accueillis, issus de 18 établissements. Une aide financière sur trois ans (2018-2020) a été accordée par l‘État pour faire rayonner cette expérience sur le plan national, notamment à travers la formation de passeurs et d’éducateurs spécialisés. D’autres cinémas et établissements devraient ainsi pouvoir s’emparer du projet.

 

Les objectifs

Les enfants découvrent l’histoire du cinéma comme médium, son dispositif technique et ses caractéristiques spécifiques. Le Minifilmclub vise également à sensibiliser les participants aux films abstraits et non-narratifs et à leur faire connaître le cinéma sur pellicule. A l’issue du projet, les enfants auront élargi leurs connaissances esthétiques et techniques et aiguisé leur curiosité.

 

La méthodologie

Le personnel pédagogique des établissements inscrits bénéficie d’une formation et travaille en relation étroite avec l‘équipe. Les rôles de chacun sont bien définis grâce à une session préparatoire au Kindergarten qui permet de s’assurer de la coopération active de tous les participants. Une soirée de présentation est même organisée avec les parents. Le déroulement du Minifilmclub s’articule autour de 7 visites de deux heures en matinée et s’achève avec une soirée de clôture là encore en présence des parents.

Dans un premier temps, il s’agit de permettre aux enfants de se familiariser lentement avec le musée et la salle de cinéma. Ils découvrent le matériel, le dispositif de la projection sur pellicule, ses caractéristiques spécifiques. Ensuite la projection d’un film d’avant-garde est organisée en salle (des œuvres de Len Lye ou de Norman Maclaren font partie du programme). Les enfants participent dans la foulée à des activités créatives pour approfondir la compréhension de ce qu’ils ont vu lors de la séance. Un DVD du film est remis au Kindergarten avec les droits de diffusion pour organiser une seconde diffusion en présence des enfants qui redécouvrent alors le film avec les sens aiguisés. La soirée de clôture est l’occasion de discuter avec les enfants du travail effectué et des expertises acquises. 

La première session porte sur la magie du cinéma. Le projectionniste projette de la pellicule vierge. Les enfants installés en salle peuvent communiquer avec lui et lui demander d’ajouter les couleurs de leur choix. L’opérateur s’exécute et peint directement sur la pellicule. Il peut également ajouter de la musique. Cette expérience est l’occasion d’une première rencontre avec le cinéma expérimental.

De retour au Kindergarten, les enfants peuvent se servir librement dans la DVDthèque qui est mise à leur disposition. Ils peuvent voir ces films seuls, en groupe ou avec un adulte dans une salle équipée à cet effet.

 

L’importance de la participation culturelle

La découverte et l’appropriation du musée sont une donnée importante. Certains parents ne sont jamais venus au Deutsches Filmmuseum. Les enfants développent une relation étroite avec les lieux qui deviennent « leur » musée et « leur » cinéma. Le but est aussi d’encourager la créativité des enfants et de leur faire prendre conscience qu’ils peuvent agir et non pas seulement réagir. Le choix de films non narratifs permet de contourner l’obstacle de la langue : à Francfort, seuls 30 % des enfants ont l’allemand comme langue maternelle.

La réussite du Minifilmclub dépend du temps qui est accordé aux enfants pour leur permettre de prendre possession physiquement des espaces du musée et de la salle de projection (ils peuvent courir dans les gradins par exemple), mais aussi des rituels et des pauses qui rythment les visites. La qualité de l’apprentissage est aussi tributaire des relations personnelles qui se tissent entre les élèves et les médiateurs. C’est pourquoi ce sont toujours les mêmes adultes qui interviennent auprès des mêmes enfants. On évite les jugements de valeur et on regarde les films en toute impartialité. Enfin, l’équipe essaye de maintenir la curiosité des enfants pour le médium film de façon soutenue. Il ne faut surtout pas baisser le niveau d’exigence : les jeunes enfants sont capables de voir des choses complexes.

 

Pourquoi des films d’avant-garde ?

Les enfants ont une grande capacité d’attention, une grande curiosité. Ils manifestent une réelle ouverture d’esprit envers toutes les formes cinématographiques. Entre 3 et 6 ans, peu leur importe si un film est muet, parlant, narratif, en noir et blanc. Ils retrouvent toujours des matières, des objets qui leur sont familiers (des ombres, de la danse, de la peinture…) dans les films qu’on leur propose. L’enfance est une phase de perception intense au cours de laquelle il n’est pas encore indispensable d’interpréter ses ressentis de façon utile. La langue n’a pas encore tout envahi. Pour autant, la fenêtre temporelle pendant laquelle la perception des enfants reste ouverte se referme plus rapidement qu’il y a cinq ou dix ans, avec la prégnance de l’audiovisuel dans leur environnement.

D’autres projets sont menés avec des enfants plus âgés (jusqu’à 10 ans), par exemple des films réalisés avec des artistes au moyen d’une bolex.