LE GRAND PARIS, C’EST QUOI ET C’EST POUR QUAND ?

Organisée par Cinémas 93 en partenariat avec Écrans VO (association des cinémas indépendants du Val-d’Oise) et le SCARE (Syndicat des Cinémas d’Art, de Répertoire et d’Essai)

présentation par Antoine Soulier-Thomazeau, urbaniste spécialisé dans la conduite de projets d’aménagement, actuellement chef de projet Canal et Plaine de l’Ourcq, Est Ensemble - Grand Paris


> Historique
> Pourquoi s’est-on mis à reparler du Grand Paris ?
> Le projet du Grand Paris Express
> Les appels à projets
> Les « grands projets métropolitains »


Cette présentation vise à donner une vision rapide de l’ensemble des enjeux urbanistiques du Grand Paris, afin de mieux envisager la question de la place des cinémas indépendants sur ce territoire en mutation.

Pourquoi s’intéresse-t-on à la création du Grand Paris ? Depuis cent ans, les villes ont explosé, en particulier les villes de plus de dix millions d’habitants que l’on appelle des « monstres urbains ».

La ville désigne deux réalités :

  • L’agglomération (ou unité urbaine) qui inclut l’ensemble des communes dont la continuité du bâti présente un écart de moins de 200 mètres entre les bâtiments.
  • L’aire urbaine qui se définit par l’ensemble de communes dont au moins 40% de la population se rend dans l’agglomération pour travailler. Cette définition qui prend en compte les déplacements pendulaires paraît être la définition de la ville la plus pertinente aujourd’hui. Aujourd’hui l’aire urbaine de Paris dépasse déjà largement les frontières de l’Ile-de-France.

 

Or les frontières administratives actuelles (communes et départements qui déterminent aussi les limites des régions) datent pour la plupart de 1790 : notre organisation administrative n’a pratiquement pas changé depuis plus de 200 ans quand, dans le même temps, l’agglomération parisienne est passée de moins d’un million à 10-11 millions d’habitants.

À partir de là, il convient de se demander quelle est la bonne structure pour réguler le quotidien de nos vies, dont la culture fait partie. Contrairement au reste de la France, Paris est très en retard dans cette réflexion. Cela fait quarante ou cinquante ans qu’en région, les villes se sont constituées en intercommunalités ou nouvelles administrations. Rennes a créé des districts dans les années soixante-dix et le Grand Lyon existe depuis les années soixante… A Paris, ce sujet n’est remis sur la table que depuis le début des années 2000.

 

Historique

1860 : Paris est circonscrit par l’enceinte de Thiers. On passe de 12 à 20 arrondissements en absorbant des villages voisins (les villages de La Villette et de Belleville par exemple, sur décision de Napoléon III). L’enceinte est démolie après la seconde guerre mondiale. En 1973, on construit le périphérique sur ce même périmètre fixant physiquement une frontière qui aurait dû disparaître avec l’accroissement de la ville.

1910 : on constate que la carte du métropolitain est restée quasiment identique à aujourd’hui. De nombreuses lignes s’arrêtent aux portes de Paris qui matérialisent encore la limite entre Paris et sa banlieue. Or on sait qu’aujourd’hui la première couronne fait déjà partie du centre-ville de Paris. C’est tout le débat qui nous anime aujourd’hui. On a presque arrêté de consolider le réseau de métro il y a 100 ans ! Il est à noter que la ligne 9 a pour terminus Mairie de Montreuil depuis 1933 et pourtant Montreuil a quadruplé sa population. Il y a eu un manque d’investissement dans les transports en commun, ce qui explique l’un des projets phare du Grand Paris : le Grand Paris Express.

1965 : Plan Delouvrier pour la région parisienne, date de création du RER et de cinq villes nouvelles autour de Paris conçues comme des pôles relais. Or c’est seulement aujourd’hui que ces villes commencent à devenir des pôles attractifs en termes d’emploi.

1968 : création des départements de petite et grande couronne.

Aujourd’hui on s’interroge sur la suppression des départements de la petite couronne.

1973 : construction du périphérique.

 

Pourquoi s’est-on mis à reparler du Grand Paris ?

Bertrand Delanoë, élu maire de Paris en 2001, a créé une mission de discussion et de dialogue avec les villes limitrophes en partant du constat que la plupart des services urbains parisiens (les transports publics, les stations d’épuration, la gestion des déchets, les cimetières notamment) reposent sur l’utilisation d’entrepôts ou d’implantations situés extra-muros, montrant l’étroitesse de Paris intra-muros. Le projet de couverture du périphérique Porte de Vanves et Porte des Lilas est né de ces discussions et de missions bilatérales qui ont été mises en place. Petit à petit un partenariat se crée, mais on est encore très loin de l’association.

En 2007, Nicolas Sarkozy lance un grand appel à projets aux architectes et aux urbanistes du monde entier. Il en est resté des idées et deux institutions :

  • Le Forum métropolitain du Grand Paris qui est une instance de dialogue, un syndicat d’études qui permet aux maires franciliens de réfléchir à cette notion de métropole.
  • L’Atelier international du Grand Paris qui a regroupé l’ensemble des architectes et de la matière récoltée lors de la consultation de 2007.

On s’est alors interrogé sur les limites d’un grand Paris qui pourrait même aller jusqu’au Havre d’ici 2050. Il existe aujourd’hui de nombreuses coopérations de l’Ile-de-France à la Normandie (création du grand port HAROPA notamment).

On est toujours dans ce débat et on n’a toujours pas trouvé de solution. Si on considère la plupart des élus des villes limitrophes de Paris, on constate qu’ils sont également élus au niveau national. Cela contribue à expliquer la lenteur des prises de décision, le jeu étant de savoir qui, au final, pourra exercer les fonctions-clefs.

De tout ce mouvement, plusieurs institutions sont nées :

  • la Métropole du Grand Paris, qui pourrait être l’équivalent du Grand Lyon, et les établissements publics territoriaux qui la composent (il y en a 12 dont Est Ensemble Grand Paris),
  • la société du Grand Paris (qui est un établissement public chargé de réaliser le nouveau réseau de transport en commun du Grand Paris Express),
  • le Forum métropolitain du Grand Paris (cf supra),
  • L’Atelier du Grand Paris qui a pour vocation d’alimenter les réflexions.

 

Par ailleurs il existe déjà des institutions qui gèrent nos grands services urbains et qui ont déjà un périmètre métropolitain dépassant largement la seule ville de Paris enfermée dans son périphérique :

  • transports : Ile-de-France Mobilités
  • déchets : SYCTOM
  • assainissement : SIAAP
  • chauffage urbain : CPCU
  • logement : Grand Paris Habitat
  • aménagement : Grand Paris Aménagement
  • foncier : EPFIF
  • urbanisme, planification : APUR, IAU-IDF

 

Ces différents acteurs agissent sans gouvernance unique. On aurait tout à gagner à créer une structure administrative pour articuler l’ensemble de ces politiques.

Il y a tout un débat autour du mode d’action pour faire naître la métropole : soit on agit par le biais des institutions, soir à travers les projets (dans une dynamique selon laquelle les institutions suivront une fois les projets lancés).

 

Le projet du Grand Paris Express

C’est le projet que tout le monde retient mais qui n’est qu’une toute petite partie de ce que devrait être le Grand Paris. Ce projet est en fait du rattrapage. Il s’agit de créer du lien entre les différentes lignes de RER avec la construction d’un réseau de 200 km. Cela coûte extrêmement cher et on assiste déjà aux premiers dérapages financiers. Un certain nombre de lignes supplémentaires (la 17 et la 18) sont aujourd’hui sur la sellette.

Le GPE implique la construction de nouvelles gares et un travail est mené pour aménager des quartiers autour de ces gares, un effort qu’il va falloir intensifier en construisant plus de logements, mais aussi en amenant des services culturels parmi lesquels des cinémas. C’est autour de ces futures gares que se jouent la création d’une métropole multipolaire avec plus de centralités animées aux fonctions rayonnantes.

Les appels à projets

En 2014-2015, la Mairie de Paris a lancé un grand concours, « Réinventer Paris », pour contrer son image de ville musée où la nuit se meurt. Cet appel à projets urbains innovants pour transformer des friches que la mairie ne parvenait pas à valoriser et révéler tout leur potentiel a très bien marché : la ville a reçu 500 réponses et ce concours a rapporté un milliard d’euros à la ville, avec une polémique autour de la non-rémunération des architectes qui y ont participé.

Quand la Métropole du Grand Paris est créée en 2016, un appel à projets a également été lancé : « Inventons la Métropole du Grand Paris ». Presque toutes les communes de la métropole ont participé et 55 sites sont concernés, en particulier autour des nouvelles gares. Les lauréats viennent tout juste d’être désignés.

  • En savoir + :

Les lauréats de l’appel à projets « Inventons la Métropole du Grand Paris »

 

Dans le cadre de ces appels à projets, les collectivités, avec leurs partenaires propriétaires des parcelles, soumettent à l’institution organisatrice du concours une parcelle pour laquelle il est proposé que des équipes soient constituées avec des architectes, des promoteurs, mais aussi avec les futurs utilisateurs de ces nouveaux immeubles qui, fait nouveau, sont désignés dès le montage des projets. Avant, les promoteurs se souciaient peu des usages qui en allaient être faits. Beaucoup d’immeubles en périphérie étaient construits sans commerces en rez-de-chaussée, ni équipements : on construisait des villes « exclusivement logement ».

Des effets pervers se sont fait sentir : pour la sélection des équipes par les jurys (constitués des vice-présidents de la Métropole du Grand Paris, et surtout des élus des collectivités partenaires et des maires), ce sont surtout les maires qui ont eu le dernier mot. On est retombé dans une sélection très locale et on a assisté à une course à l’échalote en matière de mieux-disant sur les charges foncières. On est censés utiliser ces appels à projets pour des investissements plus qualitatifs mais on n’y arrive pas toujours.

En Mars 2018, est prévue une 2eme édition d’inventons la Métropole. D’autres concours encore sont à venir : « Reinventing cities » a été annoncé par Anne Hidalgo en tant que présidente de C40, un réseau mondial de grandes villes qui vise à développer et à mettre en place des mesures politiques et des programmes afin d’aboutir à des réductions notables du gaz à effet de serre et des risques climatiques. Réinventer Paris 2 a également été lancé.

 

Les « grands projets métropolitains »

Ils désignent des projets lancés avant cette réflexion sur le Grand Paris, mais qui se trouvent en première ligne dans la mise en œuvre de cette métropole. C’est le cas des grands aménagements urbains de la Plaine Saint-Denis (accueil du village olympique, aménagement du quartier Pleyel), de Saclay ou bien encore de la plaine de l’Ourcq.

Concernant ce projet de réaménagement de La Plaine de l’Ourcq, il concerne 200 ha de sites industriels en reconversion appartenant à la petite couronne. Situé le long de 11km du canal traversant Est Ensemble, son aménagement se fait dans le prolongement de Pantin et dans la continuité de la rénovation lancée suite à l’implantation des cinémas Mk2 au bassin de la Villette dans le 19e arrondissement. Le projet comporte la construction de 10 000 logements à l’horizon 2030 dont des logements sociaux et très sociaux sur d’anciennes parcelles industrielles ou d’activité. Il faut aussi conserver de l’activité et garder une trace du passé industriel de la zone. Cela passera par le renforcement et la création de 6 ports fluviaux. Si on regarde la carte de la plaine de l’Ourcq, on constate qu’elle est coupée non seulement par le canal, mais aussi par la Nationale 3 et par le couloir ferroviaire de la gare de l’Est qui complexifient les liens de ville à ville. L’enjeu est de retourner les villes vers le canal. Le projet porte également l’ambition de faire émerger 3 centralités métropolitaines à l’emplacement des futurs nœuds de transport en commun : Raymond Queneau, La Folie et Pont de Bondy. Toutes ces transformations devront se faire avec la préservation d’un site exceptionnel en termes de nature, de loisirs de proximité et d’invitation à la campagne en grand périphérie (mais accessible en 40 minutes à vélo le long du canal !).

  • En savoir + :

Consulter la présentation d’Antoine Soulier-Thomazeau


LIRE LA SUITE DE LA RESTITUTION DU VENDREDI 17 NOVEMBRE :

QUELS MODÈLES D’EXPLOITATION INDÉPENDANTE POUR LA MÉTROPOLE DE DEMAIN ?


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RESTITUTION COMPLÈTE